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AB 1882 révèle le parfum du muguet

C’est une première depuis près de cent ans. La maison AB 1882 a réussi à capturer le parfum naturel du muguet. Tous les parfumeurs pensaient que c’était impossible.

Le muguet n’est plus une fleur muette. C’est le mot utilisé en parfumerie pour dire qu’on ne peut pas extraire le parfum d’une fleur. Jusque-là, il fallait se contenter de parfums de synthèse pour retrouver l’odeur de la petite clochette blanche. En tous cas, si l’on veut utiliser des méthodes modernes. C’est donc vers le passé et vers une technique plus pratiquée mais pas encore oubliée que s’est tournée la maison AB 1882.

« Cela s’appelle l’enfleurage. On utilise de la graisse végétale pour fixer l’odeur du muguet, détaille Thierry Bernard, parfumeur et créateur de Parfumeurs du Monde à Toulouse. On passe la graisse au bain-marie pour la rendre liquide, on la travaille et on la mélange avec de l’alcool. Il s’enrichit d’huiles essentielles. Par évaporation, on sépare ensuite l’alcool de la fraction aromatique qu’on appelle l’absolu.»

« Cette fleur muette a encore beaucoup de choses à dire »

Mais pour cela, il ne faut pas juste un peu de muguet. Il faut mettre au contact les clochettes et le beurre de karité fixé sur un cadre et les changer tous les jours pendant onze jours. Cinquante mille brins de muguet ont ainsi été utilisés, patiemment disposés par des bénévoles ravis de voir renaître cette pratique… et impatients de sentir le parfum du muguet.

« Cette fleur naît à nouveau. C’est un trésor qui n’appartient pas qu’à nous, mais à tout le territoire. Nantes renoue avec la belle parfumerie, la parfumerie naturelle, produite localement », assure Marie Giffo, qui a créé la maison AB 1882. Les maraîchers nantais, qui produisent 85 % du muguet de l’hexagone, viennent de trouver un nouveau débouché. « Finalement, cette fleur muette a encore beaucoup de choses à dire », sourit Jean-François Vinet, le maraîcher qui a fourni les brins de muguet.

Une renaissance

AB 1882 est l’héritière de la maison de parfum fondée à Nantes par Alexis Biette en 1882. Elle n’a pas survécu à la Seconde Guerre mondiale, mais tout n’a pas disparu dans les décombres de la guerre. Le carnet de formulations d’Alexis est précieusement conservé dans le coffre-fort de la maison familiale. « C’est le coeur de la marque qui a été préservé, souligne Marie Giffo, l’une des descendantes, qui a créé la marque AB 1882.

Un de mes cousins a redécouvert ces carnets qui sont extrêmement émouvants pour nous. Dans l’un d’entre eux, Maxime, le fils du créateur, raconte qu’il concevait ses parfums dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, « à 50 mètres des Boches ». C’est ainsi qu’il s’échappait de l’enfer de la guerre. » C’est sur la base de ces formules que les parfums renaissent, mais sous une forme étonnante : une forme solide. On l’étale comme un baume et il est ensuite diffusé par la chaleur du corps. Une manière de se parfumer qui remonte à l’Égypte et qui est plus que jamais d’actualité : le parfum solide ne pèse que quelques grammes. À comparer avec l’impact carbone des lourds flacons de verre.

AB1882