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Réseaux sociaux : et si on testait le « jeûne » d’une semaine ?

Il suffirait de quelques jours de déconnexion totale des réseaux sociaux pour ressentir des bénéfices sur la santé mentale. Bien-être retrouvé, anxiété en baisse, la cure semble être le remède… et le début d’un questionnement.

Parfois, on ne voit plus le temps passer. On « scrolle » une suite sans fin basée sur des algorithmes hermétiques de messages, photos, vidéo. Les images s’impriment. Et le cerveau déprime. Idée reçue ? Une étude interne commandée par la direction de Facebook et révélée en septembre dernier par le Wall Street Journal indique qu’Instagram et ses images retouchées à grand coup de filtres sont nocifs pour l’image corporelle et le bien-être des adolescents.

« Notre étude montre que pour les jeunes filles, et pour de plus en plus de garçons, considérer son corps comme un objet de photo conduit à s’inquiéter démesurément du regard des autres et à développer des complexes. Le simple fait de prendre un selfie destiné à être mis en ligne nuit à l’image qu’ils ont d’eux-mêmes », écrit Christia Spears Brown, professeure de psychologie à l’université du Kentucky dans un article de The Conversation. « Être un objet offert à la vue de tous n’aide pas cette « génération selfie » à se sentir sûre d’elle, bien au contraire. Il ne s’agit pas là de questions de santé insignifiantes, car une mauvaise image du corps à l’adolescence se traduit presque systématiquement par de futurs troubles de l’alimentation. »

Infobésité

L’impact des réseaux sociaux ne concerne pas uniquement les plus jeunes. Une étude menée au Canada sur près de deux mille participants montre qu’en quinze ans, depuis l’apparition des réseaux sociaux, notre capacité d’attention moyenne a fondu pour passer de douze à huit secondes… C’est moins que celle d’un poisson rouge. Instagram, TikTok, Facebook, Twitter et consorts pourraient également avoir un impact sur la qualité de notre sommeil, la confiance en soi et augmenter les risque de dépression et le sentiment d’isolement.

Le concept d’une « surcharge d’informations » du cerveau liée par exemple à l’utilisation de Twitter se développe également. En passant d’une info « lol » à l’image d’un massacre en un battement de paupière, on met tout sur le même plan. « Vos émotions n’ont plus la possibilité de se développer et de vous amener à faire quelque chose qui vous aiderait à y faire face pour mieux les gérer, ce qui risque de vous faire perdre toute sensibilité face à ce genre d’horreurs », indique Joanne Cantor, professeure de communication à l’université Wisconsin-Madison à Esquire.

Expérience concluante

Alors faut-il tout arrêter ? La réponse semble être oui. Pendant un temps, au moins, si l’on en croit cette étude menée par des chercheurs de l’université de Bath (Grande-Bretagne). Ils ont recruté 154 personnes âgées de 18 à 72 ans et leur ont demandé de tout couper pendant une semaine. Les participants passaient auparavant en moyenne huit heures par semaine sur les réseaux sociaux. Après cette période de « jeûne », ils ont noté une amélioration significative de leur bien-être, des troubles de l’anxiété et de la dépression, « ce qui suggère un bénéfice à court terme », indique l’étude sortie au mois de mai.

« Faire défiler les contenus des réseaux sociaux est si ancré que beaucoup d’entre nous le
faisons presque sans y penser, du moment du réveil à celui où nous fermons les yeux le soir venu », souligne le Dr Jeff Lambert, qui a conduit les recherches. Selon lui, le résultat de cette étude indique « que même une petite pause peut avoir un impact. » Les chercheurs veulent maintenant étudier si les bienfaits de ce court arrêt peuvent aider différents types de personnes, que ce soient les plus jeunes ou les personnes présentant des troubles de santé physique et mentale.

Déconnexion : Ils ont testé !

Hélène et Nicolas sont de gros consommateurs des réseaux sociaux. Ils ont accepté le défi de tout couper pendant une semaine. Alors ?

Quelle était votre consommation des réseaux sociaux ?

Nicolas : Elle était quotidienne, dès le réveil jusqu’au coucher. Pendant le travail, les moments de pause et même devant la télé.
Hélène : C’était pas loin de cinq heures par jour. Le premier geste au réveil et le dernier avant de dormir. C’était aussi le geste des temps morts et de procrastination.

Diriez-vous que c’était trop ?

N. : Clairement oui. C’était devenu une espèce de béquille mentale, une soupape actionnée en permanence. Ça servait à occuper tous les espaces et les moments creux au lieu de lire, me reposer ou… travailler.
H. : C’était beaucoup trop, comme une forme d’addiction. Cinq heures sur les réseaux, c’est cinq heures qui ne sont pas consacrées à des activités sans doute plus intéressantes et enrichissantes.

Pourquoi avez-vous accepté de tout couper ?

N. : Je n’ai pas hésité parce que je sentais de manière diffuse que c’était trop. J’étais fatigué et frustré de voir que cette consommation irraisonnée m’empêchait d’avancer, y compris pour consacrer du temps à des choses qui m’intéressent.
H. : J’avais déjà conscience des effets néfastes de cette hyper-consommation sur mes capacités de concentration, de réflexion, etc. Quand on m’a proposé ce défi, c’était le bon moment. Et je me suis dit qu’une semaine, ce n’était pas si long.

Quels effets avez-vous ressentis ?

N. : Je suis plus efficace et déterminé dans l’organisation de mes journées. J’ai du temps pour autre chose.
H. : Même si c’est difficile à évaluer après seulement une semaine, il me semble que les effets sont plutôt bénéfiques. Je ne m’énerve plus sur les sujets polémiques qu’il y a en permanence sur Twitter, par exemple. Mais je me rends compte que je suis un peu démunie quand je fais face à des temps morts.

Vous n’avez pas craqué ?

N. : Quelques fois, mais pour consulter une chose précise. J’ai le sentiment que l’habitude pourrait revenir très vite. Je dirais aussi que je « compense » en allant faire d’autres choses sur mon téléphone, les consultations de petites annonces ou un jeu en ligne.
H. : Pas les cinq premiers jours. Et si j’ai passé quinze minutes au total sur les réseaux, c’est le maximum. Pour retrouver les infos qui m’intéressent, j’ai repris le réflexe d’aller à la source, sur les sites ou les applis des médias que j’avais un peu abandonnés.

Allez-vous changer votre comportement sur le long terme ?

N. : Pour l’instant, mes applications sont « cachées » sur mon téléphone et c’est très bien comme ça. Je ne veux pas retomber dans le travers et je vais passer du jeûne à une diète très très sévère. J’ai autre chose à faire !
H. : Je n’ai pas encore réussi à trouver comment occuper le temps qui était « rempli » par les réseaux ces dernières années, mais je pense que oui. En tout cas, j’ai l’impression de retrouver un peu de mon cerveau d’avant Internet. Et ça fait du bien !