Actus ciné : ADN – La quête d’identité de Maïwenn
Neige, divorcée et mère de trois enfants, rend régulièrement visite à Émir, son grand-père algérien qui vit désormais en maison de retraite. Elle adore et admire ce pilier de la famille, qui l’a élevée et surtout protégée de la toxicité de ses parents. La mort du grand-père déclenche une tempête familiale et une profonde crise identitaire chez Neige. Elle veut comprendre et connaître son ADN. Jean-Jacques Lester a rencontré Maïwenn qui réalise et joue le rôle principal de ce drame très intime pour Action – Le Mag Ciné sur France Bleu Loire Océan.
Votre film « ADN » parle de la famille, des familles et des origines. C’est important, les origines ?
Maïwenn : Ce film évoque ce que les morts nous laissent, comment rester vivant après les morts et comment rendre les morts vivants au quotidien. Quand on perd quelqu’un de cher, on nous dit, « il vit en toi ». Moi, je pense que ce n’est pas automatique que les morts vivent en nous, il faut aller les chercher. Parfois, le labyrinthe est long. Le personnage que je joue cherche à vivre encore avec eux, et cherche le chemin pour vivre sous le regard de celui qu’elle a perdu. En l’occurrence, son grand-père.
Quelles sont les conséquences de cette quête pour votre personnage ?
M. : Elle éclate. Elle explose. Le film parle aussi de la responsabilité éducative et émotionnelle des grands-parents quand les parents sont défaillants, quand ils n’ont pas rempli le rôle enveloppant et protecteur qu’ils auraient dû avoir. C’est à ce moment que les grands-parents prennent le relais. Mon personnage a été aimé, choyé, éduqué par ses grands-parents et quand ils ne sont plus là, elle perd pied.
Elle se met alors à la recherche de ses origines, et ses origines, c’est l’Algérie.
M. : Elle essaye de se reconstruire une carapace, donc elle est à la recherche des origines de ses grands-parents autant que de ce que l’histoire aurait pu lui transmettre, en tant que petite-fille d’immigrés de l’Algérie. Elle cherche à savoir à quel endroit ce pays vit encore en elle. À quel endroit elle est dépositaire d’une histoire entre la France et l’Algérie, ces deux pays qui ont été cousins. Et quand elle se rend compte que l’histoire vit encore au quotidien, elle est plongée dans un gouffre vertigineux.
Il y a beaucoup d’émotion dans ce que vous dites. Le film est lui-même plein d’émotion, mais aussi de moments de rire !
M. : C’est gentil de le dire, parce que je tenais énormément à transmettre tout l’humour qu’il y a dans ces moments-là. Ces moments dramatiques sont pour moi les moments les plus drôles. Qui n’a pas senti monter de gros fous rires pendant un enterrement ? C’est tellement burlesque, ce qu’on est obligé d’organiser. Et il faut faire avec les sensibilités de chacun, on essaie de faire une cérémonie qui ressemble au défunt mais, très souvent, on parle de nous. J’ai fait très attention à ce que cet humour-là soit perceptible dans le film.
« ADN » n’est pas l’histoire d’une famille, c’est l’histoire de votre personnage face à ce séisme qu’est la perte de ce grand-père…
C’est surtout la quête identitaire que mon personnage traverse qui est le fil conducteur du film. C’est une femme fragile qui a eu des parents toxiques. Comment fait-elle pour se reconstruire après la perte de son dernier pilier ? Est-ce que nous sommes les dépositaires de l’histoire de notre pays ? Je pense que oui. Sauf que parfois, on ne le sait pas. C’est ce que mon personnage vit. Elle se rend compte à quel point l’histoire, même si elle ne la connaissait pas, était en elle.
Une collaboration avec Fanny Ardant
Fanny Ardant joue votre maman. Pourquoi l’avez-vous choisie ?
M. : Je la connais, et j’avais écouté un podcast où j’avais senti une femme très très très intelligente, folle, cultivée et pleine de poésie. Je voulais vraiment Fanny Ardant pour ce rôle. C’était inconcevable pour moi d’avoir quelqu’un d’autre qu’elle. Je voulais une mère qui soit complètement charismatique, belle, drôle, intelligente… Il n’y a rien de pire pour des enfants que d’avoir des parents incroyablement beaux, intelligents, mais toxiques. Tout le monde croit qu’ils sont fantastiques, mais ils peuvent être des monstres.
Il y a des chocs entre ces personnages, des scènes aussi haletantes que dans les films d’action !
M. : Je voulais que ce soit ça. Je voulais des scènes très simples, filmées champ-contrechamp, et que ce que les gens se disent soit incroyablement violent. Au moment de la mort, on se rend compte des choses, on se dit des vérités qu’on n’a jamais dites. Ça bouscule tout le monde, ou beaucoup de gens en tout cas.
Vous avez co-écrit le scénario du film avec quelqu’un qui a des rapports avec Nantes : Mathieu Demy, le fils du réalisateur Jacques Demy. Comment ça s’est passé ?
M. : De façon complètement improvisée, improbable. Nous sommes amis, je lui ai dit que je faisais un film sur le deuil. Il venait d’enterrer sa mère (la réalisatrice Agnès Varda, ndlr), il était encore complètement bouleversé. On s’est échangé des moments bouleversants, des moments hyper drôles et il m’a proposé de me rejoindre sur le scénario. J’ai accepté tout de suite. Il m’a énormément aidé sur la structure, sur la partie drôle du film.
François, votre ex dans le film, est interprété par Louis Garrel. Il a des dialogues percutants ! Il est incroyable…
M. : Franchement, c’est tout lui. C’est son génie. En fait, j’avais peur qu’il plante le film et qu’il parte en vacances donc je m’étais dit : « S’il vient super, s’il vient pas, tant pis ». Je ne m’étais pas trop accrochée à lui. Je l’ai mis sur le tournage et je lui ai dit : « Tu fais ce que tu veux, tu essaies de me changer les idées le plus possible ». Tout ce qu’il dit dans le film, ça vient de lui. Franchement, je n’ai rien écrit. C’est une des personnes les plus drôles que je connaisse.
« ADN » de Maïwenn, dans les salles depuis le 28 octobre
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