Cuisine : Eric Mignard, une vie étoilée
Éric Mignard tourne la page du Castel Marie-Louise. Le seul chef étoilé de La Baule raccroche les couteaux après trente-sept ans passés derrière les fourneaux du Relais & Châteaux vue sur mer. Mais la relève est déjà là.
Il avait écrit son discours. En ce soir de juin, après avoir servi un dîner d’adieu éblouissant, Éric Mignard voulait certainement être sûr – l’émotion aidant – de ne rien oublier. Mais comment résumer sur une feuille A4 trente-sept ans de maison ? C’est peine perdue. Au-delà des mots ce soir-là, le message était dans l’assiette. L’expatrié lyonnais a tout dit en neuf plats. Son amour de La Baule et de la Bretagne, des producteurs et de l’excellence. « Cette région m’a enraciné », explique-t-il en regardant vers la mer. L’océan qui lui a donné son âme de cuisinier. « La mer, les poissons, les crustacés, c’est le fil rouge de ma cuisine qui est en profondeur iodée. C’est ma marque de fabrique, si l’on peut dire. »
Thé de crevette grise, langoustine, homard, ormeaux du Finistère. Comme la mer, le voyage des saveurs semble infini. Alors que les chefs n’étaient pas encore Top, il est allé faire découvrir cette cuisine de Houston à Montréal. Il a aussi fait venir au Castel Marie-Louise les plus grands chefs de France pour des repas à quatre mains. Guy Martin, Anne-Sophie Pic, Sanderens, Troisgros font le voyage. « J’allais chez eux, on discutait de tout et après, ils venaient ici faire découvrir leur menu avec leurs produits. Troisgros est venu avec sa camionnette emplie de cardes, d’oseille et de saumon. C’est vraiment la Maison qui se déplaçait ici. C’était un partage, ils venaient apporter leur savoir-faire culinaire. »
« Reconquérir l’étoile »
Trente-sept ans de maison, trente ans d’étoile. Il y a eu une éclipse, de 2015 à 2021. Le guide a fait la moue. Éric Mignard n’a baissé ni la tête ni les bras. « Pendant cinq ans, avec toute mon équipe, on a fait un gros travail. Et puis, en 2021, c’est la belle étoile qui revient. Là, je me je suis dit : « On va remettre les baskets et redonner un coup de collier ». Je voulais en profiter et surtout me dire que j’allais laisser la maison dans une très bonne situation avec sa clientèle, son équipe et son étoile. Je suis rassuré. »
Rassuré aussi parce que, au moment où l’étoile disparaît, Jérémy Coirier pousse la porte de la cuisine. « Reconquérir l’étoile, c’est l’un des objectifs qui m’ont motivé pour rejoindre les équipes. Le Castel Marie-Louise, c’est une institution que je connais depuis le lycée Sainte- Anne où j’ai étudié. Il y avait un côté injuste. C’était un challenge. » À partir du 1er juillet, c’est lui qui reprend la cuisine du restaurant. « Depuis le Covid, Éric Mignard m’a laissé libre de créer. Ces derniers mois, c’était du vrai partage. Il est là, derrière mon épaule, pour me dire « attention » quand il le faut. C’est ça qui change, le 1er juillet : le travail sera toujours le même, mais je serai seul. »