Ciné : Sage Homme, plongée dans le premier souffle
Après avoir raté son admission en médecine, Léopold intègre par défaut l’école de sages-femmes en cachant la vérité à son entourage. Jennifer Devoldère réalise ce film qui met en lumière une profession aussi essentielle que méconnue. Elle rassemble devant sa caméra Karin Viard et Melvin Boomer, le jeune homme qui incarne Joey Starr à ses débuts dans la série Le Monde de demain. Encore une fois remarquable de justesse, le jeune acteur était l’invité de Jean-Jacques Lester sur France Bleu Loire Océan, avec la réalisatrice Jennifer Devoldère.
Comment résumeriez-vous l’intrigue de votre film ?
Jennifer Devoldère : C’est l’histoire de Léopold, interprété par Melvin. Ce personnage rate médecine. Il choisit la filière sage-femme en espérant raccrocher les wagons pour faire médecine par la suite. Il va entrer à l’école de sages-femmes, dégoûté et très mécontent. Sa référente, jouée par Karin Viard, est une sage-femme d’expérience, avec beaucoup de personnalité et de liberté. Elle va, après des débuts chaotiques, lui montrer la réalité du métier. Et elle va aussi lui montrer, au-delà du métier, lui apprendre ce qu’est la femme.
Comment avez-vous appréhendé ce rôle ?
Melvin Boomer : Léopold, en réalité, n’est pas si éloigné de moi. C’est quelqu’un d’assez têtu, qui sait ce qu’il veut. Mais malgré toute cette volonté, il n’y arrive pas et sera assez déçu de lui-même. C’est ce qui crée le conflit avec son père, et avec le personnage de Karin au début du film. Mais, au fur et à mesure, il va découvrir qu’il est à sa place.
L’univers autour du personnage de Léopold est très masculin…
J.D. : On a créé un monde en contraste avec la maternité et toutes ces femmes. On voulait que Léopold vienne d’un univers très viril et très masculin, plein de testostérone, pour opposer aux oestrogènes qui vivent toute la journée en maternité.
Cet univers, vous l’avez découvert par la même occasion.
M.B. : Tout à fait, on a fait des stages pour se renseigner. Je me suis documenté, j’ai écouté, j’ai regardé. J’ai assisté à deux accouchements. Je n’avais que vingt ans, c’était quelque chose pour moi ! Avoir un placenta sous le nez, c’est quelque chose !
Karin Viard, qui joue la sage-femme très expérimentée, l’appelle d’ailleurs l’arbre de vie…
J.D. : C’est comme cela qu’on l’appelle, en effet. Quand il sort, le placenta a comme des petites branches, comme un arbre. Il contient l’empreinte ADN de tout ce qu’on est.
M.B. : C’est un métier incroyable que ce métier-là, et je pense qu’on ne comprend pas son importance tant qu’on ne l’a pas vu de nos propres yeux, tant qu’on n’a pas été dans le service. Il y a un aspect psychologique que je ne soupçonnais pas. Donner la vie, c’est un métier incroyable.
Et pourtant, on considère un peu les sages-femmes comme des médecins au rabais.
J.D. : Pendant longtemps, le métier n’était même pas considéré comme une profession médicale. C’était plus que « au rabais ». Il y avait vraiment, en effet, un manque de considération. Alors que c’est un métier avec une dimension technique, qu’on voit dans le film, et aussi, surtout, une dimension psychologique. Les sages-femmes accompagnent vraiment les parents dans l’accueil de leurs enfants. S’il n’est pas réalisé dans les meilleures conditions qui soient, l’enfant n’aura pas le même rapport à sa mère ou à son père. C’est ça aussi, cette responsabilité.
Vous avez eu de vrais bébés entre les mains ?
M.B. : En stage, oui, et c’était fou. Tu es stressé, tu te demandes ce que tu fais là. Ça, c’est l’histoire de ma vie, et dans ce film, je ne me suis pas vraiment posé cette question. Quand j’ai manipulé les bébés, c’était vraiment pour apprendre les gestes techniques. Après, le reste, c’est la magie du cinéma.
Une autre question est abordée dans le film, celle du changement de milieu social. Le personnage de Léopold veut devenir médecin, mais quand on habite dans les quartiers, il n’est pas simple de se lancer.
J.D. : Ce n’est pas le sujet du film, mais c’est l’histoire du personnage, c’est vrai. On ne sait pas les efforts qu’il a dû faire, la chose n’est pas abordée de manière frontale. On ne sait pas si c’est parce que sa mère est morte qu’il a voulu être médecin. En tout cas, il y a une attente sur ce jeune homme, une attente qui pèse sur ses épaules de la part de sa famille. C’est pour cela, peut-être, qu’il vit l’échec de son admission en médecine plus fort que quelqu’un d’autre. Pour lui, c’est vraiment un monde qui s’effondre.
Melvin, comment avez-vous vécu l’implication de Karin Viard dans son rôle ? On a l’impression qu’elle a fait ça toute sa vie !
M.B. : Je trouve que son personnage est assez proche d’elle, en réalité. C’est assez impressionnant d’avoir Karin en face de soi, avec l’immense carrière qui est la sienne. Je me suis mis une pression, mais, au final, notre relation a été assez rapide et elle s’est finalisée comme dans le film. Avec beaucoup de bienveillance et de conseils.
Dans les salles depuis le 15 mars.