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Cinéma : « Tout s’est bien passé », quand François Ozon regarde la mort en face

C’est l’histoire d’un père, incarné par André Dussolier, qui demande à ses deux filles, Sophie Marceau et Géraldine Pailhas, de l’aider à mourir. Tout s’est bien passé est un film déchirant, tiré d’une histoire vraie, que François Ozon est venu présenter au Gaumont de Nantes. Jean-Jacques Lester a demandé au réalisateur de le décrypter pour Action – Le Mag Ciné sur France Bleu Loire Océan.

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Pouvez-vous nous raconter l’histoire de votre nouveau film, sans tout dévoiler ?

Ce film est l’adaptation d’un récit d’Emmanuelle Bernheim, une amie qui est aussi scénariste. Elle raconte dans ce livre comment son père, à la suite d’un AVC, lui demande de l’aider à en finir. Elle se retrouve face à ce cas de conscience : obéir à son père ou l’empêcher de commettre cet acte ? Le film raconte cette histoire sur plusieurs mois. Le titre du film et du livre, Tout s’est bien passé, résume ce parcours. Tout se passe bien, mais il faut aller voir le film pour comprendre pourquoi.

C’est quand même un voyage vers la mort, sans doute le tabou ultime. C’est difficile d’en parler, les gens ont du mal avec ça…

Ce que j’aime, c’est que c’est l’histoire d’un homme qui regarde la mort en face. Il oblige les autres à la regarder en face. Il le fait peut-être de manière égoïste, mais il a cette honnêteté de dire : « J’ai vécu une très belle vie et aujourd’hui, je n’ai plus les capacités de vivre la vie que je souhaitais ». Et il décide très simplement de mourir. Mais c’est aussi un personnage tyrannique et un peu pervers, parce qu’au lieu d’organiser ça tout seul, il demande à ses filles de s’en occuper. Pour elles, c’est un vrai dilemme. 

Il y a une vraie complexité des sentiments dans votre film.

C’est un vrai paradoxe : c’est l’histoire d’un homme qui aime tellement la vie qu’il veut mourir. C’est ce que je voulais exprimer. Je voulais faire un film du côté de la vie. Un film qui soit à la fois drôle, émouvant, et où des sentiments très contradictoires et complexes se mélangent. Dans toutes les familles, il y a des problèmes de rivalité, des histoires d’héritage… J’avais envie d’aborder tous ces thèmes autour de cet homme.

Rappelons qu’il est interdit, en France, de mettre fin à ses jours ou d’être accompagné pour y parvenir…

Je raconte en fait ce qui est vraiment arrivé à Emmanuelle et Pascale, deux filles qui ont été dénoncées à la police. Elles ont dû affronter non pas la justice, mais des policiers puisqu’il y a toujours la suspicion que la personne n’a pas toute sa tête, que les enfants veulent se débarrasser de leurs parents pour récupérer l’héritage. Le film devient tout à coup une espèce de thriller avec un suspense. Cela s’est vraiment passé comme ça et c’est assez passionnant à raconter.

Malgré les circonstances, on voit une belle complicité entre les deux sœurs.

Ce père fait tout pour les séparer, les mettre en rivalité. Il fait le choix de demander à l’une des deux de l’aider à en finir. Forcément, ça crée des questions, des interrogations. Ce qui est beau, c’est que finalement, cette aventure va resserrer les liens. Cette sororité se renforce de plus en plus et ça m’intéressait de travailler avec Sophie Marceau et Géraldine Pailhas, qui ont des parcours un peu parallèles dans le cinéma puisqu’elles ont tous les deux commencé avec Claude Pinoteau, Sophie dans La Boum et Géraldine dans La Neige et le Feu. Elles ont aussi appris à travailler toutes les deux avec Maurice Pialat. Il y avait donc cette sororité pré-existante en tant qu’actrices. Ce qui est beau, c’est qu’il y a une vraie complicité entre elles et on la sent dans le film.

Il n’y a pas de morale à cette histoire ?

Le film laisse le spectateur complètement libre d’interpréter les choses, de dire si c’est bien ou si ce n’est pas bien. Ce qui m’intéressait, c’était de montrer ce que provoque une telle décision au sein d’une famille. Montrer à quel point c’est lourd. En racontant cette histoire, je me suis rendu compte à quel point ce n’était pas aux enfants de prendre cette question en charge. Ce n’est pas aux enfants d’organiser cela pour leurs parents.

Parlons d’André Dussollier. Dans le film, on ne le voit qu’après son AVC. Il a des séquelles au niveau de l’œil, de la bouche. La transformation physique est très impressionnante.

André est un acteur très méticuleux, très perfectionniste. Nous avons rencontré des médecins dans des services spécialisés, dans des hôpitaux. Il a travaillé avec un orthophoniste pour avoir la bonne diction, puisqu’il a une paralysie complète du côté droit du visage. C’était important de montrer la réalité, pour comprendre les intentions de cet homme. Pour que l’on voit à quel point on peut ressentir ce besoin si fort d’en finir.

Dans les salles depuis le 22 septembre