Zabou Breitmann : entre réalité et fiction

Zabou Breitman a coréalisé un film incroyable, Le Garçon. Entre réalité et fiction, elle se base sur des vieilles photos de famille dénichées dans une brocante pour raconter l’histoire de celui qu’elle appelle « mon garçon ». Elle est venue présenter son film au micro de Jean-Jacques Lester sur ici Loire Océan.
Jean-Jacques Lester : Comment avez-vous déniché les photos sur lesquelles se base le film ?
Zabou Breitman : L’idée, c’est de trouver un inconnu. Quelqu’un qui peut même paraître banal. Le plus facile c’était de trouver des photos, des photos qu’on trouve sur les brocantes ou sur des sites comme Leboncoin.
Quelles photos vous fallait-il ?
Il fallait des photos relativement récentes de façon à ce qu’on puisse retrouver les gens. C’est Florent qui s’est attelé à ça dans des brocantes. Lui raconte dans le film sa quête de ce personnage qu’on va chercher dans les photos. Moi, je vais m’inspirer des photos pour raconter des morceaux de fiction. C’est presque un peu le contrechamp. Je raconte comment et à quelle heure on prend la photo, comment ça a été fait, pourquoi le monsieur regarde tout le temps la dame sur la photo. Je ne m’intéresse pas toujours aux mêmes choses. Le jeu c’est de ne pas savoir ce que fait l’autre. Il part, il va faire des images. Je vais faire la même chose. Tout ce que je lui demande, c’est de me passer des interviews de gens qu’il interroge dans la rue et je vais donner le script de ces propos aux acteurs.
Il y a effectivement des acteurs dans ce film, c’est pour ça que c’est un objet cinématographique non identifié : il y a Isabelle Nanty et François Berléand qui jouent le couple sur les photos. Ils jouent les parents de celui qu’on recherche.
Ils sont capables de jouer ça, parce que ce sont des artistes et pas seulement des comédiens. Ils ont une pensée plus large et ils aiment l’aventure : ils ont découvert exactement ce qui se passait une fois le film fini. Le film, on a mis quatre ans et demi à le faire !
Et vous n’avez pas hésité à choisir deux acteurs connus !
On parle d’un inconnu. Pour symboliser l’histoire, il fallait que dans ma fiction, ce soit vraiment des acteurs qu’on repère. Si cela avait été des inconnus, on ne comprendrait plus rien du tout.
Est-ce que c’est important de conserver ses photos de famille ?
On en fait beaucoup maintenant, mais on en garde moins. Avant on en faisait, et on attendait, on allait chez le photographe qui les avait développées. Elles étaient souvent un tout petit peu ratées, un peu voilées ou mal cadrées. Ces photos-là, elles ont le charme évident de l’imperfection. Quand on tient une photo, ce n’est pas comme quand on tient un téléphone avec une photo qui s’affiche sur un écran : dans ce cas-là, la photo existe sans exister, elle est dans le téléphone. Alors qu’avec le papier, il y a quelque chose qui se passe. Aujourd’hui, les jeunes tirent les photos de plus en plus : les Polaroïd sont réapparus, on ressort des pellicules. Il y a quand même une nécessité aussi, je pense, d’avoir la photo.
Est-ce que les images, ces photos de l’époque, rendent la réalité des gens ou est-ce qu’on ne joue également pas la comédie quand on est photographié ?
Si. La pose de quelqu’un sur une photo n’est pas plus vraie que la fiction que j’en fais. Dans un dialogue, il y a mon garçon qui dit à son pote : « On sourit souvent sur les photos alors qu’on n’a pas forcément envie. On essaie de représenter quelque chose qui n’existe pas vraiment. » Je trouve que c’est un bon moyen de s’interroger sur qui on est, et sur notre identité.
