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Sophie Levy – Le Voyage à Nantes nouvelle vague

Après avoir créé et lancé le Voyage à Nantes au côté de Jean-Marc Ayrault, Jean Blaise a quitté cette structure unique en France. C’est désormais Sophie Lévy, précédemment directrice du musée d’Arts de Nantes qui prend la tête du VAN. Elle dirige l’offre culturelle et touristique de la Ville, du château, au musée d’Arts, en passant par les propositions artistiques déployées chaque année autour de la ligne verte qui traverse la ville. L’édition 2025 est la dernière imaginée par Jean Blaise. Charge désormais à Sophie Lévy de passer d’une ville « renversée par l’art » à cette ville fluide qu’elle imagine. Rencontre.

Urbanne : Le Voyage à Nantes, c’est une grande maison. Est-ce que c’est ça qui vous a attirée ?
Sophie Lévy : Ce n’est pas tellement la taille. C’était aussi le plus différent possible de ce que j’avais déjà vu. Il y a un point commun : travailler la question de la culture dans un lien avec un territoire. Mais en même temps, gérer un musée et être à la tête du Voyage à Nantes c’est quand même assez différent, ne serait-ce que par la variété des métiers et des actions.

Là, on change d’échelle, le musée c’est la ville ?
S.L. : Il n’y a pas qu’une question d’échelle. C’est plutôt la complexité, la fluidité de l’instrument qui me permettent de me réinventer, de me jeter à moi-même un petit défi personnel aussi. Est-ce que je vais y arriver ?

Est-ce qu’on est venu vous chercher pour ce poste ?
S.L. : Personne ne me l’a proposé directement. J’étais vexée comme un pou ! Non, je plaisante. J’ai dû me battre pour tous mes postes, et celui- là ne fait pas exception à la règle. J’ai dû convaincre. J’ai dû convaincre sur ma capacité à embrasser d’autres dimensions que l’artistique, à gérer différents aspects d’un projet.

Votre parcours est assez atypique : vous avez fait HEC avant de devenir conservatrice. Cela vous donne des armes aujourd’hui ?
S.L. : Exactement. Le Voyage à Nantes est le premier poste où je peux vraiment marier ces deux aspects de mon parcours en bonne intelligence, refusionner les deux moitiés de mon identité.

Vous sentez-vous totalement à votre place ?
S.L. : Je dirais que c’est un manteau un peu trop grand pour moi, mais j’essaye de grandir dedans. C’est ça qui est excitant aussi, de se lancer dans quelque chose d’incertain, d’apprendre et d’évoluer.

Vous avez eu cette discussion avec Jean Blaise, votre prédécesseur, cette longue discussion que vous appeliez de vos vœux ?
S.L. : Oui, plusieurs. Il m’a transmis des éléments, mais il m’a aussi laissé la liberté de réinventer ce qui doit l’être.
Il m’a dit qu’il ne fallait pas trop être liée au passé, n’être que l’héritière du passé.

Comment percevez-vous Nantes après toutes ces années ?
S.L. : C’est une ville avec une identité très particulière.
La présence du fleuve, de la lumière, et la variété… Tout cela en fait un lieu surprenant et changeant. Nantes n’est pas forcément la ville la plus belle du monde ni de France, mais elle a quelque chose de surprenant, toujours très changeant. Un bâtiment XVIIIe et une gargote, une ruelle sordide et une rue très bourgeoise. Pour moi c’est ça aussi Nantes. On mélange les univers et ça se joue aux détours d’une rue.

Est-ce qu’on vous donne les moyens de continuer à étonner ?
S.L. : Le muséum va être rénové. Le musée d’Arts a été complètement repensé. La Cité des imaginaires, le Jardin extraordinaire, le Grand T naissent ou renaissent… c’est partout. C’est une ville qui a beaucoup d’idées. Il y a une espèce de puissance qui n’a pas fini de se déployer.

Vous parliez de l’infléchissement…
S.L. : L’infléchissement, c’est justement cette dimension de jouer sur la fluidité, sur les éléments naturels, et aussi de révéler aux Nantais que ce n’est pas qu’une ville urbaine. Il y a aussi une ville du choc et de la surprise. C’est une ville où la rencontre entre les gens et leur environnement est naturelle. C’est une autre lecture de la ville, et elle ne sera pas éternelle. Moi-même je serai remplacée. On se passe le relais chaque fois, on rajoute des couches différentes sans oublier celles d’avant.

Justement, il y avait cette idée dans le Voyage à Nantes d’une « ville renversée par l’art », cela reste-t-il toujours pertinent ?
S.L. : Je préfère l’appeler « la ville fluide ». C’est vrai que c’est une ville renversée par l’art, où il y a beaucoup d’artistes, de propositions. Ça a toujours été une grande ville, parce que c’est une ville où il est possible de faire des choses différentes, où il n’y avait pas un contrôle ni une résistance. C’est une ville très tournée vers les présents. Elle crée une possibilité d’être ensemble d’une manière plus liquide qu’urbaine ou solide. La capacité de réinventer des choses est liée à cette dimension fluide qui est le symbole de l’eau et le symbole social de Nantes. Nantes est souvent perçue comme une ville de polarisation des contraires, mais elle possède aussi une capacité à faire ensemble. Ça m’intéresse de travailler là-dessus.

Cette année, c’est un moment de transition pour vous ?
S.L. : Oui, c’est l’année « Jean », une année pour dire au revoir, pour remercier, pour observer et comprendre avant de prendre pleinement mes marques. Il faut du temps pour que les choses se fassent endouceur et en continuité. En acceptation et admiration de ce qui s’est fait avant.

Le thème de l’étrangeté que vous défendez, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
S.L. : L’étrangeté, c’est un thème assez parfait. Une ville est un lieu où l’on ne sait jamais ce que l’on va rencontrer. Il y a une cacophonie des possibles, des rencontres inattendues. L’étrangeté est une forme de défense de l’individu face à la ville moderne, une poche poétique et imaginaire. Le surréalisme est né en même temps que les grandes villes. Elle permet à l’individu de s’échapper du fonctionnalisme

urbain.

 

 

 

 

 

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