Culture,  Société

Nantes : Le Belem à cœur ouvert

Le Belem a initié au mois de décembre un entretien totalement inédit, qui comprend le remplacement de vingt-cinq tonnes de coque. Le dernier grand trois-mâts français sera chargé de ramener la flamme olympique en 2024. Reportage.

Il doit quitter la cale sèche avec l’arrivée du printemps. À peine le temps de se remettre de l’une des plus importantes opérations jamais menées pour prolonger la vie du navire classé monument historique. Le Belem a subi une opération à coeur ouvert. Un travail titanesque qui a consisté à changer tout d’un bloc près de vingt-cinq tonnes de coque. Toute la partie de la coque en acier riveté située au niveau de la cale des machines avait subi les outrages du temps. Au point de menacer la capacité du navire à naviguer.

« C’est une opération très lourde et nous avons mis du temps à prendre la décision de nous y risquer, souligne Christelle de Larauze, déléguée générale de la Fondation Caisse d’Épargne Belem. Il ne s’agit pas uniquement de découper un bout de coque : il faut aussi enlever le moteur, la propulsion, les câblages… Cela représente énormément de main d’oeuvre. » La décision aurait pu être prise de ne se concentrer que sur les points les plus faibles, de couvrir cette coque blessée d’une myriade de pansements. « Mais on ne savait pas où cette technique pouvait nous entraîner », résume-t-elle.

Mais tout enlever pour tout refaire n’est pas chose aisée pour un navire né en 1896. « Techniquement, c’est un enjeu incroyable : l’opération n’a jamais été menée sur un navire aussi ancien, indique Jérôme Lecamp, responsable du chantier chez Eiffage Énergie Systèmes. Le navire a cent vingt-six ans, on ne dispose pas de l’ensemble des plans. Nous avons réalisé un scanner 3D à l’intérieur et l’extérieur du navire, puis nous avons combiné les deux pour refaire les plans au plus juste. »

Avant découpe, le navire a été renforcé. Il a fallu imaginer la meilleure manière de souder la nouvelle pièce sur le vieil acier, sous le regard acéré de la DRAC qui veille jalousement à ce que ce navire historique ne soit pas dégradé par la restauration. « Nous avons dû élaborer un cahier de soudage : nous avons pris des échantillons sur la coque pour déterminer la meilleure manière d’assembler la nouvelle pièce avec la partie ancienne », détaille Jérôme Lecamp. Une trentaine de personnes, du soudeur au mécanicien en passant par le bureau d’études ou les tuyauteurs, ont été mobilisées pour mener l’opération à bien.

Un travail colossal pour un coût important : un million sept cent mille euros. « Il est naturel de se poser la question de savoir si ces travaux valent le coup, concède Christelle de Larauze. La réponse a été unanime : c’est le dernier survivant des grands voiliers de navigation. Il embarque entre mille cinq cents et deux mille personnes par an, dont mille deux cents stagiaires qui vivent une expérience et qui naviguent comme au XIXème siècle. C’est ce qui est le plus important : garder le Belem en navigation. »

Mais ces travaux, qu’il était prudent de réaliser pour préserver l’avenir du navire, se sont aussi révélés d’une urgence plus brûlante que prévu : le navire a été désigné pour ramener la flamme olympique en France. Il doit se rendre en Grèce pour ensuite revenir chargé du symbole des Jeux et le débarquer à Marseille. Le navire de cinquante-huit mètres doit embarquer à son bord des jeunes de toutes les régions de France. Le Belem doit faire son retour en mer en mai, avant de rejoindre la Méditerranée l’automne prochain.

Une vente aux enchères en juin

La Fondation Caisse d’Épargne Belem a dû rendre le hangar qu’elle occupe depuis des lustres quai Marquis d’Aiguillon à Nantes. Le lieu doit faire peau neuve et la Fondation place nette. À cette occasion, de nombreux objets et souvenirs du Belem ont été exhumés. La Fondation indique qu’ils seront mis aux enchères avec la complicité de Salorges Enchères le 4 juin prochain à l’occasion de Débords de Loire. Tous les profits seront remis à la Fondation. L’occasion, peut-être, de s’offrir un petit morceau du mythe. On nous jure qu’il y aura des prix accessibles à tous.