Mode. Slow fashion et inspirations africaines : rencontre avec Noémie Cheney
Noémie Cheney, une jeune créatrice nantaise, a lancé une collection de prêt-à-porter après un long travail en lien avec des artisans du Togo. Les femmes et les hommes qui tissent et fabriquent le batik, ces tissus imprimés incroyables, puis cousent les vêtements, se sont rassemblés autour d’elle pour lancer une collection unique baptisée « Blue Blossom ». Les pièces, que l’on pré-achète, étaient en cours de fabrication en Afrique sous l’œil de Noémie Cheney lorsque nous l’avons jointe. Découverte.
Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans cette aventure ?
C’est un tout. Il y a le travail de conception du vêtement de A à Z, mais aussi la collaboration avec tous les artisans qui interviennent avant d’aboutir au produit fini. C’est une façon de voir la mode différemment. À la fast fashion, je réponds par la slow fashion.
Cela passe par votre mode de commercialisation. Tout est vendu en précommande.
En effet, on lance la production une fois les précommandes enregistrées. Cela veut dire que la cliente ou le client a choisi son modèle, et doit attendre qu’il soit fabriqué et livré. Je pense que cela change le rapport au vêtement.
D’autant que chaque pièce a quelque chose d’unique …
Tout est travaillé à la main. Chaque tissu est différent parce qu’il y a de l’humain dedans. Les motifs, qu’ils soient faits au tampon en bois ou à main levée, ne sont pas uniformes. Le geste fait le tissu. On est loin des techniques industrielles.
Le nombre de pièces est également limité. Cela participe de la même démarche ?
C’est ce que je trouve intéressant et que je veux valoriser. Je me limite à cent pièces. Cent pièces à produire en deux mois, c’est énorme, parce que nous ne sommes pas du tout dans le mode de fonctionnement d’une production de masse. Je l’apprécie d’autant plus que la petite quantité apporte une valeur ajoutée à ma collection.
Il y a un aspect que vous qualifiez vous-même d ‘« anachronique » dans votre travail. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Ce sont des savoir-faire et des méthodes de travail qui vont à l’encontre de notre ère extrêmement industrialisée et où tout est extrêmement rapide. Lorsque l’on découvre ici, au Togo, cet artisanat toujours très présent, cela a ce côté anachronique. Mais en travaillant comme je le fais, en prenant le temps de concevoir le vêtement, de le faire fabriquer, et aussi pour les clients de l’attendre, on revient aussi à quelque chose d’originel.
Pourquoi avoir choisi le Togo ?
Je connais ce pays depuis une dizaine d’années. C’est une culture que j’ai appris à connaître et à aimer. Comme j’ai toujours eu un intérêt pour la mode, le fait-main et l’artisanat, j’ai voulu mêler tout cela. Mon travail et mon idée derrière cette collection, c’est de valoriser une culture et un savoir-faire.
« Blue Blossom », une collection à durée déterminée
Combien de temps doit durer cette collection ?
Deux à trois ans, je pense. C’est le temps nécessaire pour que tout soit rodé dans chaque atelier. En ce moment, la collection comporte dix pièces mais à chaque voyage, je vais en rajouter deux de plus, et peut-être en retirer certaines.
Cela veut dire que cette collection, baptisée « Blue Blossom », va avoir une fin ?
C’est ce qui est prévu. Au bout de ces deux ou trois ans, je vais arrêter pour partir sur une nouvelle collection qui met en avant un artisanat, et pourquoi pas un nouveau pays et une nouvelle culture.
Vous n’êtes pas seule dans cette aventure. Pourquoi avez-vous réuni des artistes autour de vous ?
J’ai voulu qu’il y ait tout un travail artistique autour de « Blue Blossom ». Il y a des photographes togolais, des artistes nantais et togolais, illustrateurs ou sérigraphistes, qui sont inclus dans cette aventure. Une aventure qui sera regroupée un jour dans un livre.
95 euros la chemise, 150 euros la robe… Pour des pièces de créatrice réalisées artisanalement, c’est une manière de parler au plus grand nombre ?
J’ai l’idée que s’habiller correctement doit être accessible. J’ai essayé d’être juste dans le prix, entre le travail des artisans, le mien et les coûts de transport. Je trouvais dommage de me cantonner à des prix haut de gamme, même si j’ai aussi bien conscience que tout le monde ne peut pas s’offrir mes pièces. J’essaie d’expliquer, avec des photos et vidéos publiées sur les réseaux sociaux, tout le travail qu’il y a derrière ce prix.