Mode : Royal Mer : Savoir-faire et reconquête
Royal Mer, l’artisan tricoteur né en 1946, a été repris en 2016 par Hervé Coulombel et ses associés. L’entreprise au savoir-faire bien ancré dans la maille a su retrouver une seconde jeunesse. Découverte.
Vous avez repris Royal Mer il y a six ans. Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette entreprise ?
Je cherchais une entreprise et un projet qui a du sens. Le secteur était très abîmé, pour ne pas dire décimé, depuis vingt-cinq ans. L’entreprise, qui s’appelait Royal Mer Bretagne, a été créée en 1946. Elle s’est spécialisée dans le tricotage et la confection. Au bout de trois générations entre les mains de la même famille, elle avait besoin de renouvellement, notamment dans les collections. Le marketing n’était pas très développé, mais le savoir-faire était là et l’histoire aussi : on a découvert qu’il y a vingt-cinq ans, Royal Mer se partageait le marché avec Saint James.
C’est ce savoir-faire qu’il fallait dépoussiérer ?
Ce qui nous intéressait, c’était de repartir d’une base, d’un noyau technique fort. Des entreprises capables de produire ce genre d’articles en France, aujourd’hui, il n’y en a pas dix. C’est ça, en fait, qui m’a intéressé. Nous avons repris quarante-cinq personnes sur les cinquante-cinq salariés de l’entreprise. Nous voulions relooker les collections et nous repositionner sur le métier d’origine, le tricotage. Ensuite, nous sommes partis à la reconquête des clients.
Comment relance-t-on une marque ?
L’idée était de se faire une place sur le marché aux côtés des deux marques qui le dominent aujourd’hui. Nous avons adopté un positionnement premium, pas un positionnement luxe, qui est une autre planète. Nous avons axé notre travail sur la qualité de la matière et le process de fabrication. On n’imagine pas la complexité de fabrication d’un pull pour qu’il dure dix ou quinze ans. Nous avons recalé l’outil de production, investi dans de nouvelles machines, changé le système informatique. Nous avons doublé le chiffre d’affaires en cinq ans, triplé le nombre de revendeurs.
Ces revendeurs, qui sont-ils ?
Il s’agit à 80 % de magasins multimarques, présents sur la façade de la Manche à l’Atlantique. Nous sommes redevenus visibles ! C’est pour cela qu’il est important d’être présent dans des endroits stratégiques comme La Baule ou l’île de Ré. Mais le développement du e-commerce est également important si l’on veut avoir accès au consommateur.
Comment fait-on pour réinventer le pull marin ?
La base, c’est la qualité, le durable, la production locale. Ensuite, on le revisite en apportant de la modernité, des couleurs, du détail. Pour le pull marin traditionnel, en pure laine vierge, nous proposons désormais douze couleurs. L’idée, c’est d’être chic, original, tout en respectant l’ADN de notre produit. C’est aussi la difficulté. Nous avons trouvé un terme, le « coastal wear ». Cela veut dire qu’en fond, toujours, il y a un paysage marin. C’est notre territoire d’expression : un environnement brut, naturel, authentique. Nous faisons toutes les créations en interne.
À qui vous adressez-vous ?
Il y a deux types de clientèle : les personnes qui habitent les côtes et les urbains, les jeunes qui y viennent en été. Les Bretons exilés à Paris ou dans les métropoles, mais pas que. Ils viennent chercher un produit sympa, très fonctionnel, durable et qui tient chaud !
Cette stratégie fonctionne-t-elle ?
On redevient visible, nous sommes sollicités par des boutiques qui nous ont connu mais qui n’achetaient plus. Mais tout cela prend du temps, forcément.
Envisagez-vous de diversifier davantage encore votre gamme ?
Quand, au tout début de la pandémie, nos clients ont fermé boutique, nous nous sommes lancés sur le marché du masque. Nous en avons fabriqué plusieurs centaines de milliers et on a sauvé la maison. Cela nous a prouvé qu’on pouvait développer autre chose que des pulls. Nous nous sommes lancés. Nous avons développé des chaussures tricotées, des chaussures de marche que nous avons mises au point l’an dernier et pour lesquelles nous avons obtenu un prix. C’est un produit ultra-technique, à base de bouteilles en plastique recyclées avec une semelle Vibram et une tige tricotée. C’est 100% made in France et ultraléger : la chaussure ne pèse que 230g.
Quel est l’intérêt de la maille ?
La maille est plus souple, plus confortable et plus chaude qu’un tissu en chaîne et trame. Le tricotage fait que le vêtement est extensible, alors qu’un tissu classique bloque les fils.