La chronique de Gonzague Rolland
La parade fantôme
À l’heure où ces mots parviendront aux lecteurs d’Urbanne, l’ambiance sera a priori plus aux cadeaux de Noël qu’aux citrouilles maléfiques. Peu importe : flash-back vers la période des costumes improbables et du porte-à-porte sponsorisé par Haribo, autrement dit Halloween.
Rassurez-vous, on ne débattra pas ici sur l’adoption en France de cette fête folklorique celte popularisée par des décennies de pop culture anglophone. Permettez-moi toutefois de glisser deux anecdotes sur ce cru 2024. Primo, pour la première fois de ma vie professionnelle, j’ai côtoyé des collègues (de moins de trente ans) venus au bureau déguisés, ce qui m’a brièvement fait regretter la vie pourtant précaire de travailleur indépendant. Deuzio, je me suis régalé le soir même devant un film dingue, le bien nommé Krazy House, disponible sur la plateforme française Shadowz – sorte de Netflix du cinéma horrifique – chaudement recommandée.
Mais rentrons dans le vif – ou plutôt le mort – du sujet, direction Dublin. Ce 31 octobre 2024 au soir, la O’Connell Street, artère principale de la capitale irlandaise, s’est remplie de milliers de badauds venus admirer une parade géante pour Halloween. Les heures passant, l’excitation a fait place à l’étonnement agacé : nulle trace de chars de sorcières à l’horizon. Et pour cause.
« Veuillez noter que, contrairement à une information diffusée sur Internet, aucune parade d’Halloween n’est prévue à Dublin aujourd’hui. Toutes les personnes rassemblées espérant voir cette déambulation sont priées de se disperser dans le calme, merci », a ainsi alerté la police locale sur ses réseaux sociaux en début de soirée, faisant probablement recracher à certains leur Guinness. Le responsable de cette fake news ? Un site web nommé MySpiritHalloween, basé au Pakistan et alimenté via des copier-coller non vérifiés (saupoudré a priori d’une dose d’intelligence artificielle). Bien référencé, son contenu remontait sur Google pour toute recherche sur les festivités prévues à Dublin. « C’est une erreur, pas un canular », a déclaré son fondateur à la presse locale en présentant ses excuses.
Si aucun débordement majeur n’a été signalé, l’anecdote en dit long sur les conséquences concrètes de la désinformation en ligne et de la crédulité des foules. Faut-il pour autant ne blâmer que la Toile ? Pas sûr : gageons que le bouche-à-oreille sur place et le mimétisme grégaire ont drainé plus de monde que les fake news en ligne. Laissons le mot de la fin à l’humour irish : sur X, l’aéroport de Dublin a publié une photo de ses allées absolument désertées, avec pour légende : « Notre parade d’Halloween bat son plein ce soir. »