Décoration : le fauteuil Togo fête ses 50 ans
Togo, c’est un « siège coussin » emblématique. Une pièce de design qu’on reconnaît au premier coup d’oeil. Togo fête ses cinquante ans et reste l’un des hits de Ligne Roset. Rencontre avec Éric Rennesson, directeur des magasins du Groupe Roset France.
En quoi ce Togo est-il révolutionnaire ?
À la fin des années soixante, une nouvelle mousse synthétique disponible pour l’ameublement a vu le jour. Michel Ducaroy, un designer de talent, salarié du groupe Roset, a repéré ce nouveau matériau. Et il a compris qu’une nouvelle conception était possible. Avant, un siège, c’était souvent des sangles et des ressorts. Lui, il a vu la possibilité d’utiliser cette nouvelle technologie. C’est l’inventeur du siège tout mousse.
Togo est né en 1973, y a-t-il eu d’autres modèles avant lui ?
Il y a d’abord eu l’Adria, le premier salon composable en mousse avec assise près du sol. Puis les modèles Koufra et Kali.
Il y a donc une ligne qui se dessine…
C’est une ligne très connectée à l’esprit de l’époque. Ce sont les années soixante-dix, l’esprit baba cool. On a envie de s’asseoir plus près du sol, d’être plus confortable. Le modèle Kali, sorti en 1970, a inspiré Claire Bretécher pour sa BD Les Frustrés. C’est une vraie tendance.
Et le Togo, quelle est sa genèse ?
Michel Ducaroy a beaucoup observé. En se brossant les dents, il a remarqué la forme prise au fur et à mesure par son tube de dentifrice. Il y a vu celle d’un siège. Et il y avait aussi les plis. C’est ce matelassage, ce plissé qui apporte un confort supplémentaire, alors qu’auparavant, on utilisait des tissus tendus sur les assises. Cette notion de confort est vraiment associée au Togo.
Le succès a-t-il été foudroyant ?
Il a mis deux ans à s’imposer dans les ventes. Ce n’est donc pas un succès immédiat, mais c’est normal : quand on a affaire à une création pure et dure, il n’y a pas de repères et les gens sont perdus. On l’a encore vu récemment avec notre canapé Ploum, signé par les frères Bouroullec. Quand il est sorti, le réseau l’a implanté à 40 %. Cela veut dire que 60% des magasins n’y croyaient pas. Aujourd’hui, c’est notre deuxième meilleure vente.
Derrière le fameux design Togo, y a-t-il un savoir-faire technique spécifique ?
Il y a d’abord l’assemblage du complexe de mousse, mais il y a surtout le temps de couture et de matelassage, très important pour chaque pièce. Tout le monde est d’ailleurs surpris, en visitant le site de production, par le temps qu’il faut pour fabriquer un siège. Tout est cousu à la main. Pour un canapé trois places, il ne faut pas moins de quatre ou cinq heures pour des ouvrières très qualifiées.
Le succès du Togo ne s’est-il jamais démenti ?
Il est rapidement devenu le premier siège en termes de vente, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Il y a eu un petit trou d’air à la fin des années quatre-vingt-dix, mais c’est vraiment le modèle emblématique de la marque. Souvent, les gens entrent dans nos magasins en disant qu’ils viennent voir le Togo. C’est un signe : les gens savent citer le nom du modèle, peu de produits dans le design ont la même aura.
Qu’est-ce qui séduit, dans ce modèle ?
Il est intemporel et intergénérationnel. Les gens l’ont vu et connu chez leurs parents ou grands-parents, ils reviennent pour l’acheter. Il y a une part d’émotionnel dans ce modèle, mais aussi l’affirmation d’un goût quand on affiche ce type de siège dans un intérieur, au même titre qu’une chaise longue de Le Corbusier, par exemple.
À cinquante ans, le Togo est-il donc toujours jeune ?
Je dirais même plus que jamais ! Ce qui est amusant, c’est qu’il y a aussi un retour d’une tendance seventies depuis cinq ou six ans. Même le luxe s’en inspire. Les boutiques d’ultra luxe en reprennent les codes à travers le monde.
Cela veut dire qu’on ne touche pas au Togo ?
Sur les proportions, sur le dessin, évidemment, on n’y touche pas ! En revanche, au fil des années, de nouveaux recouvrements ont été édités. Pour ses cinquante ans, le Togo s’habille d’un revêtement en série limitée : un tissu de Pierre Frey, intitulé La Toile du peintre, disponible jusqu’à la fin de l’année 2024. Il y a environ sept cents possibilités de tissus pour le Togo, ainsi que de nombreux cuirs.
Quel sera le prochain modèle équivalent au Togo ?
Je ne sais pas, mais ce que je peux vous dire, c’est que le Groupe Roset est certainement le plus créatif au monde. Nous faisons appel à plus de cent vingt-cinq designers différents. Nous imaginons de nouveaux produits tous les ans : des luminaires, des tables, des chaises, des objets… Nous sortons pas moins de quatre- vingt-dix nouveautés cette année. Personne n’en fait autant.
On sent qu’il y a un véritable respect du travail du designer…
Nous travaillons avec des créateurs. Le respect de leur dessin est absolu, même si cela engendre de nouvelles façons de fabriquer, de nouvelles techniques à imaginer. Et si ce n’est pas possible, on ne fait pas ! Depuis quinze ans, la marque Cinna, qui fait partie du groupe, a créé un concours révélateur de talents. On reçoit de six à neuf cents dessins à chaque concours, et cinq ou six produits sont édités. Il faut toujours aller chercher de nouveaux créateurs et de nouveaux talents.
Ligne Roset
15 rue de l’Arche Sèche, Nantes – 5 rue Georges Leclanché, Sainte-Luce-sur-Loire – www.ligne-roset.com