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Sel : la guerre du « bio est déclarée »

Peut-on mettre sur le même plan le sel produit à Guérande, Ré ou Noirmoutier et les sels produits dans les mines ou à coups de bulldozer ? Apparemment oui, pour la Commission européenne qui veut décerner le label « Agriculture biologique » à à peu près tout le monde. Décryptage. 

« Avec ce projet de réglementation européenne, tous les sels peuvent recevoir le label AB, même les sels de mine obtenus par forage ». Elisabeth Wattebled, saunière et présidente de la coopérative des producteurs de sel de Noirmoutier, ne décolère pas. Le risque ? C’est qu’à la vue du célèbre logo, les consommateurs ne fassent plus la différence. « Pour nous, ce serait pire que la situation actuelle. Si le label vient niveler par le bas la qualité du produit, ça va laminer le marché », regrette-t-elle. « On est en train de piétiner le label bio, peste Christophe Annaheim, paludier à Guérande et président de l’association française des producteurs de sel marin de l’Atlantique récolté manuellement. Si ce label bio intègre des solutions de production très polluantes, qui utilisent des énergies fossiles et des produits chimiques, il ne plus rien dire au niveau du consommateur ».

« Nous, dans tout ça, on représente un grain de sel dans l’océan » 

Il faut imaginer que le sel de Guérande ou de Noirmoutier, récolté patiemment à la main après avoir été cristallisé par le soleil et le vent dans des œillets – les bassins en argile façonnés sans avoir recours aux machines – se retrouve au même niveau que le sel de mine. « En fait, 90% de la production européenne de sel pourrait se retrouver labellisée bio, si le cahier des charges reste en l’état, souligne le paludier. Nous, dans tout ça, on représente un grain de sel dans l’océan ». 

« C’est un joyau de notre département »

C’est pour cela que la profession a décidé de tirer la sonnette d’alarme. Un courrier a été adressé au ministère de l’Agriculture pour l’alerter. Localement, les politiques montent également au front. « En Loire-Atlantique, nous produisons le sel de Guérande, un produit d’excellence. Cette fleur de sel récoltée manuellement et séchée naturellement, sans aucune transformation, c’est un joyau de notre département. Il est important de préserver l’identité de ce produit, assure Michel Ménard, président du conseil départemental. Les paludiers sont des artisans du sel passionnés, qui travaillent avec beaucoup de précautions. Un travail qui n’a rien à voir avec la production industrielle pratiquée en Méditerranée. Il ne faut pas que tout soit mis dans le même panier ». Il y a encore un espoir : le cahier des charges n’est pas acté. « L’Europe détermine les normes, mais cela doit être discuté avec tous les partenaires, souligne Michel Ménard. Nous avons nos spécificités à faire valoir ». Lui aussi a écrit au ministère de l’Agriculture.