Société

Nantes : Johanna Rolland : premier bilan

C’est déjà l’heure du bilan de mi-mandat pour Nantes et Nantes Métropole. Dans un contexte de hausse des prix et d’enjeux environnementaux et sociétaux exacerbés, la maire de Nantes et présidente de la métropole, Johanna Rolland, revient sur sa vision et son engagement pour les années à venir.

Photographie par Baptiste Roman / Hans Lucas.

Nous sortons d’une période assez dense. Comment ressentez-vous l’humeur de la ville ?

Jusqu’il y a quelques semaines, l’ambiance du pays était quand même très lourde. Mais on sent à Nantes, depuis l’inauguration de Feydeau-Commerce – j’arrive presque à le dater, quelque chose de l’ordre d’une respiration. Et nous avons un programme nantais très riche pour les mois qui viennent : il y a eu Débord de Loire, un immense succès populaire, nous lançons la saison été du Voyage à Nantes… C’est une manifestation importante pour les touristes, six cent mille personnes sont venues découvrir nos villes l’année dernière, mais aussi pour les Nantais qui font « leur » Voyage à Nantes. À la rentrée, nous retrouverons la grande parade de Royal de Luxe et la Coupe du monde de rugby, avec le village du rugby au coeur de l’île de Nantes.

On tourne une page après le Covid ?

Je pense que les gens ont besoin de ces moments où on se retrouve, on se rassemble, avec un peu d’optimisme. Résultat : dès qu’on propose des espaces culturels, de convivialité ou de grands moments, y compris sportifs, l’appétence est tout à fait visible.

D’un côté, il y a cet optimisme, mais aussi, au fil des mois, ce sentiment d’insécurité évoqué par beaucoup de Nantaises et de Nantais.

Je vais être très claire sur ce sujet : la sécurité, avec mon équipe, c’est un combat quotidien. Ma priorité, c’est évidemment que l’insécurité ne vienne pas gâcher toutes les forces incroyables que cette ville a. Je fais le choix de travailler en bonne coopération avec l’État. Cette coopération, localement, elle fonctionne. Je fais le choix de porter avec force la parole des Nantais, y compris quand je vais demander au ministre des effectifs supplémentaires et que nous les obtenons. Les Nantais me le disent, les commerçants me le disent, on voit la différence. Nous avons besoin de cette autorité publique rassurante.

Il y avait un cap à franchir ?

C’est impératif. Dans ce mandat, on aura investi en matière de sécurité comme la ville de Nantes ne l’avait jamais fait. J’assume totalement ce sujet. Quand j’ai été élue maire, il y avait zéro caméra de vidéo-protection, il y en a deux cent cinquante aujourd’hui. C’était l’objectif pour 2026, il est déjà rempli. Nous sommes aussi en train de doubler les effectifs de la police municipale. Pour gagner cette bataille de la sécurité, nous avons besoin de mobiliser tous les leviers.

Comment agir pour renforcer encore la sécurité ?

Un des sujets sur lesquels nous devons obtenir plus et mieux, c’est la justice. Dans les pays du Conseil de l’Europe, on compte dix-sept juges pour cent mille habitants. En France, la moyenne est à onze. À Nantes, c’est cinq. Les professionnels de la justice sont unanimes : il faut également passer un cap sur ce point.

À l’automne dernier, après un enchaînement de faits divers, Nantes a fait la une sur ces questions d’insécurité. Les médias ont-ils forcé le trait ?

Les Nantais sont au clair : ils veulent des résultats en matière de sécurité et ils ont bien raison. Je suis la première à me battre avec eux, pour eux, sur ce thème. Mais les Nantais sont touchés parce qu’on ne parle que de ça ! On arrête de parler du Jardin des Plantes, de l’exposition Hyper sensible au Musée d’arts, du fait qu’on a un taux de vacance des commerces plus faible qu’ailleurs, un des taux de chômage les plus faibles de France, que notre économie est en cours de bifurcation écologique… Il est difficile d’accepter qu’un vrai sujet, qui doit être pris avec le plus grand sérieux et la plus grande ténacité, soit instrumentalisé à des fins pas très louables.

À propos de « bifurcation écologique » : vous avez décidé d’aller encore plus vite dans la transformation de ville ?

L’été dernier, j’ai été frappée d’entendre des Nantaises et des Nantais, qui, pour certains, n’étaient pas totalement sensibles à ces questions, me dire qu’ils avaient ressenti physiquement ce changement climatique dont on ne peut pas douter aujourd’hui. Au retour de la trêve estivale, j’ai prévenu les services : on a déjà prévu beaucoup, mais on doit faire plus. À ce moment-là, nous choisissons de végétaliser une partie du cours Saint-André. Mais je décide également d’aller encore plus loin que ce qui était prévu pour le projet Petite-Hollande.

Le temps n’est plus aux demi-mesures ?

Le temps de la bifurcation écologique est venu, et il faut assumer. Cette bifurcation écologique peut aussi être positive, joyeuse et heureuse. Cette bifurcation, ce n’est pas une oasis verte pour quelques privilégiés. Il y a un engagement très fort dans le centre-ville, parce que c’est là que nous nous retrouvons tous, toutes les générations, et que se trouve le commerce de proximité. Mais nous faisons preuve de la même attention ailleurs.

Que signifie concrètement cette notion ?

Cela veut dire que le devoir de la génération des responsables politiques à laquelle j’appartiens est d’assumer le changement de modèle. Si on ne bifurque pas, si on ne prend pas un virage, nos enfants, nos petits-enfants ne pourront pas vivre comme nous vivons aujourd’hui. Cela veut dire plus d’arbres en ville. Cela veut dire se donner des objectifs précis : pour le projet Petite-Hollande par exemple, nous avons un objectif de sept degrés de moins. Pourquoi ? Parce que quand on est maire, on ne construit pas la ville pour dans trois ans. On le fait pour dans dix ans, trente ans et pour tous les quartiers.

Il y a aussi une interrogation, voire une crainte face à la disparition de l’immense parking Gloriette prévue dans le projet…

Je suis plus nuancée que ça. Pour le président de l’association Plein Centre, l’impact est positif. Il l’a dit publiquement, à plusieurs reprises. Notre boulot, en revanche, c’est de proposer des alternatives : construire des places en parking-relais, continuer aussi à développer les déplacements doux, le vélo, la marche à pied. Nous ne sommes pas devenus anti-voiture : il y a évidemment des métiers et des moments où elle est nécessaire. Nous travaillons aussi sur la question du covoiturage, j’y crois beaucoup. Cela veut donc dire que la perspective n’est pas zéro voiture, mais la voiture autrement.

Autrement, ce sont aussi les transports en commun…

Une des plus grandes avancées de ce mandat restera la gratuité des transports en commun le week-end, les gens me le disent. Au-delà de la question pécuniaire, ce qui ressort beaucoup, c’est cette facilité à se déplacer dans la ville. On avait trois enjeux : un enjeu de pouvoir d’achat, un enjeu écologique, évidemment, mais aussi un enjeu de soutien aux commerçants du centre-ville. Je crois que les commerçants ont vu la différence avant/après la gratuité des transports en commun le week-end.

L’autre grand défi, c’est le logement. Comment faire face à la pénurie ?

La crise du logement est nationale. Le président de la République l’avait acté avec le Conseil national de la refondation sur le logement. Il en sort de strictes « mesurettes », alors qu’on a besoin d’un grand plan logement. Moi, ce qui m’importe, c’est d’obtenir des résultats pour les Nantais. Nous annonçons un grand plan de relance du logement, que nous avons travaillé avec les acteurs de la construction, de l’immobilier et du logement social. Nous avons deux objectifs : relancer la production de logement social, c’est impératif, mais aussi relancer la partie libre.

Le « logement abordable » fait-il partie de ce plan ?

J’ai effectivement voulu que l’on mette le focus sur ce sujet : comment les classes moyennes, les conducteurs de la Semitan, les infirmières, se logent. Le principe, c’est le bail solidaire : vous n’êtes pas propriétaire du foncier, mais vous êtes propriétaire de vos murs. Avec ces propositions que nous faisons et que nous finançons, j’ai vu un couple accéder à un T4 à Croix-Bonneau, à trois arrêts de tram du centre-ville, pour 220 000 euros. Dans le parc privé, ça n’existe plus. Le deuxième avantage, c’est vous n’avez pas le droit de revendre avec un gap de spéculation. Ce qui fait que cela va contribuer, dans la durée, à maîtriser un peu les choses. En tout cas, c’est notre objectif.

Les promoteurs parlent d’un problème d’accès au foncier. Comment agir ?

Nous avons un vrai sujet sur le foncier, cela fait partie des questions. Dans le plan de relance, nous annonçons un certain nombre de mesures, et puis nous mobilisons des moyens : nous allons mettre vingt millions d’euros sur la table.