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Itw ciné : Un métier sérieux, l’âme des profs

On vous présente le nouveau film de Thomas Lilti, Un métier sérieux. Avec lui, on plonge dans l’univers d’un collège banal français. Le réalisateur plante sa caméra du côté des professeurs. Ce sont eux qui pratiquent ce métier sérieux avec des fulgurances, des doutes et de l’entraide. Un film servi par un casting remarquable : François Cluzet, Louise Bourgoin, Adèle Exarchopoulos, Vincent Lacoste et William Lebghil. Jean‑Jacques Lester a reçu le réalisateur dans le 16/18 de France Bleu Loire Océan, également partenaire du film.

Thomas Lilti, vous nous avez marqués avec des films comme Hippocrate, Première année, Médecin de campagne. Des films autour du métier de médecin !

C’est vrai que je me suis fait connaître comme ça, parce que je suis moi-même médecin. Au départ, je me suis dit que j’allais essayer de raconter ce que je connaissais le mieux. J’ai parlé de la médecine, des hôpitaux, et puis là, voilà, je change un peu de sujet.

Et cette fois-ci, avec vous, on rentre au bahut…

Des films sur l’école, il y en a plein. Celui-là, ce qu’il a de particulier et ce qui était le point de départ de mon envie de le faire, c’était de raconter le métier d’enseignant. On est uniquement du point de vue des enseignants. Il y a des élèves dans le film, mais ils sont là pour révéler les doutes, les failles, les inquiétudes et les questionnements de ce métier. C’est un métier d’engagement, un métier pour lequel j’ai énormément d’affection. Je suis en plus fils de prof. J’avais envie de raconter ce métier qui, vous le savez bien, est très malmené depuis plusieurs années et est déconsidéré. Il y a une crise des vocations alors que c’est un métier qui devrait être loué puisque c’est un métier magnifique.

Un métier magnifique et un métier sérieux, puisque c’est le titre du film. Qu’est-ce qu’il dit, ce titre ?

En fait, c’est ce qui m’est arrivé quand j’ai voulu faire du cinéma. Mes parents m’ont demandé si je ne voulais pas faire « un métier sérieux » plutôt. J’ai choisi la médecine, mais j’aurais pu choisir prof. Malheureusement, le médecin, il est encore vu comme un vrai métier sérieux alors que les profs, on n’en est plus sûr. C’est là que le titre du film est un peu ironique.

Alors je dois vous dire que j’ai emmené ma fille à la projection presse et à la sortie elle m’a demandé de vous poser cette question : comment avez-vous réussi à vous rapprocher d’aussi près de la réalité ?

Eh bien, c’est vraiment une super question ! Je pourrais en parler des heures. Travailler sur un film comme ça, c’est en effet beaucoup d’observation. C’est rencontrer des professeurs, des élèves, parler avec eux. Mais pour moi, c’est surtout deux choses : beaucoup de documentation, énormément de travail journalistique, des témoignages, des reportages télé, et puis c’est aussi choisir des comédiens.

Quand j’écris, je pense à mes acteurs, ça fait naître des personnages, c’est leur donner vie. Ces personnages, c’est une sorte de mix entre ma personnalité et celle des acteurs et des actrices. C’est cette rencontre qui fait, je crois, le sentiment de réalité. Celle-ci est très importante pour pouvoir insuffler du romanesque.

Le générique de votre film parle de cette réalité…

Le générique, ce sont des images d’archives qui retracent l’évolution du collège – mais surtout des enseignants – des années 50 à aujourd’hui. On voit que c’est un métier qui a changé. L’aura et la respectabilité du métier se sont fondamentalement transformées. Transformées en bien et en mal aussi.

Ce collège où vous filmez, justement, il n’est ni bien ni mal ?

Le collège que j’ai choisi, ce n’est pas le collège en difficulté qu’on voit aux infos tout le temps. C’est un collège totalement normal dont on ne parle jamais, mais qui représente 80 % des collèges en France. Un endroit où les élèves ne sont pas trop malheureux, où les profs souffrent parce qu’enseigner, de toute façon, c’est très dur, c’est très solitaire, mais où les profs trouvent quand même de la ressource pour faire leur métier. D’ailleurs, j’ai choisi d’évoquer une communauté de profs très, très, très soudés, autour de François Cluzet notamment. Tout le monde se réunit, on s’entraide, on veille les uns sur les autres et pour moi c’est essentiel. Devant ce métier extrêmement solitaire, ce métier d’utilité publique, je crois que c’est important qu’on ait des profs qui arrivent à faire corps pour rendre le métier un tout petit peu moins douloureux. J’ai beaucoup raconté ça sur les soignants, mais j’avais envie de le raconter aussi sur les enseignants.

On passe vraiment de l’autre côté du miroir. C’est une réalité finalement que seuls les profs connaissent ?

Ces profs, on les connaît en tant qu’élève du moment où ils rentrent dans la classe jusqu’au moment où le cours se termine. Mais en fait, ce qui se passe en dehors du cours, on ne le sait pas. Moi, j’ai eu envie de savoir, un peu. C’est qui, ces profs ? Vous savez, quand on est jeune et qu’on va au supermarché et qu’on voit notre prof de maths en train de faire ses courses, on a l’impression de voir Mick Jagger. C’est quelqu’un qui n’a pas de vie, logiquement, en dehors de l’école. Je crois que, ce film, il est important également pour les jeunes gens, pour voir ce que c’est qu’un professeur et voir à quel point c’est dur de faire cours pendant une heure devant des élèves qui n’ont pas envie d’être là.