Immobilier : l’embellie est là ?
Le marché de l’immobilier est-il en train de se débloquer ? C’est ce que semblent indiquer les chiffres publiés par les notaires de la cour d’appel de Rennes qui comprend les cinq départements de la Bretagne historique, donc la Loire-Atlantique. Le nombre de transactions repart légèrement à la hausse : plus 1,4 % sur un an. Une reprise qui s’explique par des prix qui ont fini par atterrir. La chute est sensible : le prix de vente des maisons a ainsi diminué de 10,1 % dans l’ancien à Nantes sur un an. Il faut dire que les taux d’emprunt ont également commencé une décrue. Si on est loin de ces taux d’emprunt à moins de 1 % qui vont entrer dans la légende, ils sont repassés sous la barre des 5 %. Les bons dossiers peuvent même prétendre descendre largement sous les 4 %. Des prix plus bas, des taux moins élevés : les acheteurs ont le marché pour eux et ils vont pouvoir revenir frapper à la porte.

« Les conditions d’une reprise du marché sont présentes. »
Les notaires connaissent la réalité du marché puisqu’ils sont ceux qui valident et finalisent les transactions. Leur baromètre permet de connaître la météo de l’immobilier. Il semblerait que les temps soient à l’amélioration.
En cette fin de printemps, il est difficile de joindre les notaires même quand, comme Matthieu Gentils, notaire à La Chapelle-sur-Erdre, on est délégué à la communication de la chambre des notaires de la cour d’appel de Rennes. Les dossiers se bousculent en effet en cette fin mars. Le 1er avril, la fiscalité sur les transactions immobilières a augmenté. Une hausse de 0,5 point, décidée par le département pour faire face à la chute de ses recettes. « Cette augmentation représente 1 000 € par tranche de 200 000 € d’achat. Ce n’est pas neutre, indique-t-il. C’est une mesure qui ne s’applique pas pour les primo-accédants. Mais ce qu’on peut noter c’est qu’on augmente la fiscalité sur les transactions immobilières à l’heure où on sent un petit frémissement au niveau des volumes de vente. »
Le marché est en effet durement touché depuis 2022. Avec l’augmentation des taux immobiliers, les volumes de vente se sont réduits drastiquement. « Nous sommes aujourd’hui dans une configuration d’un marché où les transactions reprennent un peu. Il y a un chiffre qui va dans ce sens : le volume de transaction a augmenté de 3,7 % en Loire-Atlantique entre le dernier trimestre 2023 et le dernier trimestre 2024. Pour la première fois, nous assistons à une inversion des courbes. C’est au printemps, où les transactions sont traditionnellement plus nombreuses, que nous allons voir si le marché reprend ou pas. »
« C’est un marché pour les acquéreurs. »
Et les baisses de prix parfois importantes ont permis de fluidifier le marché. « Ce que nous constatons c’est que c’est un marché pour les acquéreurs. Il y a aujourd’hui toujours une négociation sur le prix final. L’acquéreur a le choix avec beaucoup de biens sur le marché et il a le temps pour lui. » Les vendeurs ont accepté de consentir parfois des baisses de prix importantes. Le chiffre d’une baisse de 10 % sur les maisons anciennes pour la ville de Nantes l’année dernière parle de lui-même. « Il faut toujours mettre des choses en perspective. Les prix avaient augmenté de 30 % en cinq ans et de 50 % sur dix ans en Loire- Atlantique. Pour la majorité des vendeurs, l’opération globale reste viable. »
L’épicentre de la baisse a été centré sur Nantes et s’est ensuite diffusé à la première puis à la seconde couronne en perdant de son intensité. Mais de manière inédite il touche aussi le littoral. « On voit sur le littoral nord, et notamment à La Baule, une baisse des prix de 4 % pour les maisons anciennes. Jusqu’ici, le marché se tenait, mais on a pu constater une petite baisse de volume et en suivant un tassement des prix. C’est quelque chose qui n’avait pas été vu jusqu’ici, mais c’est aussi, de notre point de vue, de bon augure : la baisse des prix nous permet de dire que les conditions d’une reprise du marché sont présentes. »

Entretien avec Loïc Cantin, président de la FNAIM
Loïc Cantin, figure nantaise de l’immobilier, est également président national de la FNAIM, la Fédération nationale de l’immobilier. Il nous livre son analyse de la situation du marché.
Le plus gros de la crise immobilière est-il derrière nous ?
Nous avons aujourd’hui atteint un palier. C’était un préalable à un redémarrage progressif du secteur et qui restera lent. Nous restons d’un optimisme prudent.
Qu’est-ce qui fait que ce marché a su se stabiliser ?
Le marché a été accompagné de cinq baisses successives des taux de la BCE. C’est ce qui a enrayé la chute des volumes et la chute des prix que nous avons constatées les années précédentes.
Est-ce que cette baisse des taux va continuer de votre point de vue ?
Aujourd’hui on ne peut plus compter sur une baisse des taux d’intérêt. Le niveau risque de se stabiliser autour de 3 %. À 3 %, tout le monde doit pouvoir acheter si c’est compatible avec ses capacités de remboursement.
Reverrons-nous des taux aussi bas qu’il y a trois ans ?
On a nourri la dynamique d’un marché immobilier non pas par la croissance, mais sur fond de baisse des taux d’intérêt. La baisse a été ininterrompue : en 2009, il y avait des taux à 5,2 % et on était arrivé en 2022 à 0,70 % pour les meilleurs dossiers. C’était salutaire pour le pouvoir d’achat, mais ça veut dire que cette baisse s’est aussi répercutée sur le niveau des prix.
Pour les vendeurs, il faut aujourd’hui accepter des baisses de prix importantes par rapport à il y a quelques années. Ce n’est pas facile…
Il a fallu du temps. Les deux précédentes années ont permis aux vendeurs de comprendre la situation nouvelle dans laquelle nous nous trouvions. Il y a effectivement eu une période de surdité : ils n’acceptaient pas que leurs biens perdent de la valeur. C’est pourtant déjà arrivé dans l’histoire, quand les conditions économiques n’étaient plus là. C’est le fait que les vendeurs puissent avoir et puissent concéder des pertes qui a permis au marché de se stabiliser.
La situation est donc plus saine, aujourd’hui, selon vous ?
Tous les produits ont connu une baisse des ventes et les prix ont chuté sur l’ensemble de la France. Cela conjugué avec une baisse des taux d’intérêt permet à beaucoup d’acheteurs de retrouver des capacités d’emprunt aujourd’hui.
La situation est plus nuancée suivant les villes, mais aussi les types de biens ?
C’est sûr qu’il y a des différences assez frappantes. La ville de Nice par exemple n’a pas vu ses prix bouger, même si le nombre de transactions a diminué. C’est lié à la typologie des acheteurs : 50 % des propriétaires ont plus de 60 ans et ils n’ont pas ou peu recours à un emprunt auprès de leur banquier pour acheter un bien immobilier. Sur le littoral, à La Baule ou ailleurs, on assiste un peu au même phénomène : c’est une clientèle qui va être dans l’achat plaisir et qui a peut-être moins de nécessité d’avoir recours à un emprunt pour financer l’achat d’un bien.
Quelles sont aujourd’hui les inquiétudes qui règnent sur le marché ?
Il ne faudrait pas que des éléments nouveaux viennent dégrader le marché. Nous pensons évidemment au contexte international qui est fragile. Nous sommes tributaires d’une économie mondialisée et il ne faudrait pas qu’une inflation importée puisse jouer sur la remontée des taux d’intérêt. Aujourd’hui, c’est le fait que l’inflation a été jugulée qui a permis cette décrue des taux, et donc que les acheteurs retrouvent des capacités d’emprunt.

