Endométriose : la recherche avance
Quand l’intelligence artificielle et la recherche oeuvrent pour la santé des femmes, cela permet des innovations majeures.
Ainsi, en janvier dernier, la start up française Ziwig et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) annonçaient la mise au point d’Endotest*, un test salivaire pour diagnostiquer l’endométriose. Une vraie révolution pour les patientes. « L’endométriose est une maladie compliquée pour les femmes, mais aussi pour les médecins », explique le professeur Philippe Descamps, responsable d’EndoRef Angers, le centre de référence pluridisciplinaire sur l’endométriose, qui a participé à l’élaboration de ce test. « Pour poser un diagnostic de certitude, il faut souvent une échographie, une IRM et, dans un pourcentage non négligeable de cas, une coelioscopie, qui est une intervention chirurgicale. »
L’élaboration de ce test relève d’un véritable alignement des planètes. « Il y a cinq ans, il était impossible de le mettre au point car les outils n’existaient pas. Beaucoup de gens ont essayé sans succès pendant des années », insiste Yahya El Mir, l’un des fondateurs de Ziwig. Si le Covid a permis de parler de l’ARN messager, l’endométriose est, elle, liée à une dérégulation de certains micro-ARN ou miARN. « Si l’expression de l’endométriose est gynécologique, la dérégulation est, elle, cellulaire. Grâce au séquençage à haut débit, nous pouvons donc obtenir des données sur des millions de biomarqueurs comme ces miARN. L’intelligence artificielle permet d’analyser ces données », résume Yahya El Mir.
Et après ?
Après des premiers tests sur des prélèvements sanguins, les experts se sont intéressés à la salive. Stable (les résultats à J1 sont identiques à ceux à trois semaines après le prélèvement) et non intrusif, le test salivaire se révèle idéal pour éviter l’errance médicale. Les professionnels de la santé ne s’y sont d’ailleurs pas trompés en remettant en mai le prix BFM Business de l’avancée thérapeutique de l’année à Endotest.
Le développement de ce test n’est que le début d’une aventure car les travaux des équipes de Ziwig et des cinq centres experts dont celui d’Angers se poursuivent. « Une deuxième version du test est en cours d’élaboration. Il devrait permettre d’affiner les résultats en identifiant le rôle de chaque biomarqueur, par exemple pour savoir s’il y a un risque d’infertilité ou être capable de préciser le phénotype et la location de l’endométriose », indique le Pr Descamps.
Ce type de test pourrait être développé pour diagnostiquer des cancers de l’ovaire ou d’autres maladies gynécologiques. Bref, le début d’une nouvelle forme de médecine, plus précise, individualisée, prédictive et participative, au service de la santé des femmes.
* Si Endotest est disponible dans plusieurs pays, sans être toujours remboursé, il ne l’est pour le moment pas en France, où son remboursement est à l’étude.
« Une vraie révolution »
Plus qu’un espoir, le test salivaire Endotest représente « une vraie révolution » comme l’indique Anne Ménard, atteinte d’endométriose. « J’ai dû attendre une dizaine d’années avant que l’on puisse mettre un nom sur les douleurs que je ressentais pendant les règles et les rapports sexuels. J’ai subi de nombreux examens invasifs et traumatisants. Ce test permettra à des jeunes filles d’éviter ces examens et d’être prise en charge plus rapidement. »
De nombreuses femmes espèrent la même chose. « Ce test a suscité de nombreuses réactions : de la joie, bien sûr, mais aussi de l’incompréhension et de la méfiance. Il a fallu bien l’expliquer », précise Priscilla Saracco, patiente experte au sein d’Endomind. La jeune femme espère que ce test permettra une remise à plat du parcours de soins des patientes. « Nous militons pour que ce test soit suivi d’une consultation d’annonce. Soit il est négatif, et les professionnels de santé réorientent correctement la personne ; soit il est positif, et on prend en charge les femmes le plus tôt possible afin qu’elles deviennent actrices de leurs parcours de soins ».
Qu’est-ce que l’endométriose ?
L’endométriose se caractérise par la présence d’endomètre, la muqueuse tapissant l’intérieur de l’utérus, en dehors de la cavité utérine : appareil génital, ovaires, rectum, vessie, intestins, poumons, etc. Au moment des règles, ces fragments tissulaires réagissent aux stimulations hormonales et provoquent une inflammation et des saignements à l’origine de douleurs intenses et invalidantes. Selon le ministère de la Santé, l’endométriose touche en France 10 % des femmes en âge de procréer, soit 1,5 à 2,5 millions de femmes. Elles subissent pour la plupart une longue errance médicale, huit ans en moyenne, avant que le diagnostic ne soit posé, pour des examens coûtant en moyenne 5 000 euros à l’Assurance maladie.