Ciné : le retour de Luc Besson avec Dogman
Après quatre ans d’absence, Luc Besson revient avec Dogman. Caleb Landry Jones y campe un homme à l’enfance tourmentée qui se réfugie dans l’amour des chiens. Un scénario totalement original et une image léchée. Jean-Jacques Lester a rencontré le réalisateur pour France Bleu Loire Océan.
Vous nous avez manqué. Et nous ?
Ah ! oui. Le spectateur, oui. On fait les films pour les gens. Là, Dogman, cela fait deux ans qu’on travaille dessus vraiment à fond. Il y a plein de gens très créatifs dans le film, un acteur exceptionnel, je suis vraiment très heureux de venir offrir ce film au public. Pour l’instant, ça se passe très bien et j’en suis très heureux.
Et pendant toutes ces années, vous rongiez votre frein ?
Non, non. Déjà, comme tout le monde, on a passé deux ans avec la covid. On s’est adaptés, comme le personnage de Dogman. J’ai beaucoup écrit. Et puis je reviens avec un long métrage. Au bout de vingt films, il ne faut pas faire juste un film de plus. Je pense que ça va s’espacer à partir de maintenant, pour essayer de proposer des choses vraiment différentes et uniques.
Ce n’est pas un film de super-héros de plus… Quoique…
Alors ce n’est pas vraiment un super-héros. Mais dans son âme, il est tellement bon, ce personnage, c’est un peu une espèce de Forest Gump, il a mille vies. Malgré tout ce qui peut lui arriver, il a toujours cette espèce d’espoir en l’humanité, cette beauté intérieure et c’est un vrai message pour tout le monde.
C’est cela le coeur du film, ce qui vous a animé pour écrire cette histoire ?
Complètement. On a tous cette espèce de responsabilité par rapport aux malheurs qui peuvent nous arriver. Comment réagit-on ? Est-ce qu’on devient plus mère Teresa, ou un terroriste ? Je trouve que la bonne voie, c’est mère Teresa.
Votre personnage principal crève l’écran !
Pour moi, c’est avant tout la découverte d’un acteur, un jeune acteur qui s’appelle Caleb Landry Jones. Rien que pour lui, il faut aller voir le film. Il aurait de fortes chances d’être nommé aux Oscars : il fait une performance hallucinante. Je n’avais pas vu ça depuis Gary Oldman dans Léon.
Mais vous avez le nez, dites donc ! Si on se souvient de Natalie Portman dans Léon…
Natalie, même à 11 ans, ça se sentait qu’elle avait la fibre. Caleb, c’est pareil. On le sent tout de suite. Je n’ai pas le sentiment d’avoir des qualités spéciales. J’ai de la chance de les croiser. Mais sincèrement, il faut être aveugle pour ne pas voir qu’ils ont du talent.
Alors dans ce film, il y a de l’amour. Il y a l’amour du théâtre. Mais il y a aussi des violences intrafamiliales. C’est un sujet qui vous touche ?
Moi, je n’ai personnellement jamais souffert de violences familiales. J’ai cinq enfants. C’est la prunelle de mes yeux. Je ne comprends pas que cela puisse exister. C’est un truc qui me touche quand on entend et voit ces histoires. Je ne comprends pas ce qui se passe dans la tête des pères pour créer cette violence. J’avais envie aussi, un petit peu, de mettre le doigt dessus dans ce film et de montrer à quel point c’est compliqué, après ça, de se reconstruire. Les enfants, ils ont besoin d’amour et rien d’autre.
Dogman, ses chiens sont ses bébés. Vous, ce sont vos films. Est-ce que vous en distinguez certains d’entre eux ?
C’est très difficile de choisir entre les enfants qu’on aime. J’ai quand même une petite faiblesse et une petite tendresse pour le dernier. Il est tout mignon. Tout le monde me dit qu’il ressemble à son père. Je fais du cinéma depuis quarante ans maintenant. Il faut à la fois garder une espèce de fraîcheur pour raconter des choses un peu nouvelles, mais l’expérience des quarante ans fait qu’on est plus précis sur des situations, sur des dialogues, sur les personnages. J’ai l’impression d’avoir produit un meilleur travail encore. Un peu comme un artisan.
Il y a Édith Piaf qui a son importance dans ce film. Elle chantait « Je ne regrette rien ». Et vous ?
Il y a une phrase dans le film que j’aime beaucoup qui dit : « Les plaintes sont des prières au diable. » C’est une phrase qui m’a marqué. Comme j’ai dit, non je ne regrette rien. Il faut surtout avancer. Chaque écueil dans la vie vous apprend quelque chose. Il y a un metteur en scène qui m’a dit il y a très longtemps : « Il faut deux ans pour réussir un film et deux minutes pour le rater. » C’est toujours beaucoup plus facile d’analyser quand ça ne marche pas, on peut trouver une explication. Par contre, quand ça passe il y a toujours quelque chose de miraculeux. Et là, sur Dogman, je suis un peu épaté par le petit miracle. Le film tient bien, mais je n’arrive pas encore à analyser ce qu’on a fait pour qu’il tienne bien.