AB 1882 : un parfum de famille
Certains ont des malles emplies de vêtements, de photos jaunies et de vieux disques dans leur grenier de famille. La famille Biette, elle, a retrouvé un carnet rempli de formules de parfums. Plusieurs décennies après la fin de l’aventure du parfumeur nantais, l’une des héritières fait renaître la maison.
« C’est une légende familiale, mais aussi un morceau du patrimoine nantais. » Marie Giffo a les yeux qui pétillent quand elle raconte l’aventure au long cours dans laquelle elle s’est embarquée il y a quelques années. « Ça commence avec un coffre-fort dans la maison de famille à Vertou, raconte-t-elle. Arnaud Biette, mon cousin passionné d’histoire industrielle, a fait un vrai travail de recherche et c’est lui qui a découvert le carnet. » Dans ce presque grimoire, le trésor de la famille : les fragrances mises au point depuis le XIXe siècle, lorsque la ville abritait encore quatre grands parfumeurs dont la famille Biette, qui s’est lancée dans le monde du parfum avec l’aïeul Alexis en 1882. Un trésor jalousement gardé jusque-là.
Un parfum solide, qui s’applique comme un baume
« La famille a cédé l’entreprise après-guerre. Mais elle a conservé ce carnet, qui est le cœur de la société », raconte Marie. Elle s’en empare et cherche à faire renaître les parfums. « Il a fallu que je cherche des compétences. J’avais les formulations anciennes, des années 20 ou 30, mais je voulais les retravailler. Un financement participatif a été lancé en septembre 2019 et plusieurs parfumeurs m’ont contactée. » C’est comme cela qu’elle rencontre d’abord Marielle Ravily, ingénieure chimiste et évaluatrice de parfums, et Sarah Baron Abrioux, un « nez ». « Je voulais créer un parfum sans alcool. C’était le premier principe : qu’il soit bon pour la peau des femmes et pour la planète. C’est là qu’est née l’idée d’un parfum solide, qui s’applique comme un baume. »
« Ils sont inspirés de ce que sont les femmes aujourd’hui »
Le parfum sous cette forme est en fait la manière la plus ancienne de se parfumer, une pratique dont on retrouve des traces dans l’Égypte antique et qui a disparu au XIXe siècle, avec l’arrivée de l’éthanol. « J’adore le geste que déclenchent nos parfums. On l’applique du bout des doigts de manière très intime sur une zone de pulsation et la chaleur du corps va le diffuser. C’est très élégant, une manière de se re-parfumer sans que toute la pièce en profite. » Le parfum est certifié « origine France garantie ». Deux des parfums de la gamme sont composés à 96% d’ingrédients naturels et le troisième est 100% naturel.
« Il y a trois fragrances, toutes très différentes. Nous avons conservé les noms d’origine, bien sûr », sourit Marie. Narciris développe un côté mystique, Jardin Bleu s’adresse à la femme élégante et insaisissable et Joli Rien possède une touche d’innocence et un côté régressif. « Ce sont vraiment les parfums identitaires Biette, nous sommes dans la filiation directe. C’est ce que nous voulions : nous n’avons pas travaillé avec un échantillonnage comme on le fait fréquemment en parfumerie. Nous ne voulions pas les rendre consensuels. Ils sont inspirés de ce que sont les femmes aujourd’hui. »