Solann, révélation
De passage à Nantes lors d’un concert donné à Stereolux, Solann – révélation féminine aux Victoires de la musique – a accepté de s’arrêter quelques instants pour nous raconter son année extraordinaire.

Elle nous l’avait promis, elle était là. À quelques heures de son concert dans la grande salle de Stereolux, Solann se prête pour nous au jeu de la séance photo sous l’ancienne halle Alstom. La frêle jeune femme se métamorphose sous le regard de l’objectif. Elle prend naturellement la pose. Pas vraiment étonnant. Celle qui a été sacrée « révélation féminine » lors des dernières Victoires de la musique a aussi été mannequin. Après avoir commencé à poster sur les réseaux ses compositions musicales lors du confinement, elle décide de se lancer sérieusement dans la musique.
Elle a confié il y a deux ans à Télérama que pour elle cela avait été « le début du chantier. » « En fait, c’était le début où j’apprenais à faire de la musique en studio, à essayer de créer une œuvre un peu plus globale. C’était le début de “ je découvre le monde de la musique, pas que dans ma chambre ”. » Elle a ce discours des gens qui doutent, un doute qui vient d’une volonté de bien faire, de s’engager dans une œuvre comme un artisan s’engage dans son travail. Rien n’est jamais facile et rien ne lui est dû.
Le mot « sombre » est souvent accolé à son univers. « C’est un mot qu’on m’a souvent attribué, donc j’en ai l’habitude. Je sais que les chansons que j’aime, les livres que je lis, ont un côté un peu sombre, un peu glauque, donc ça ne m’étonne pas totalement. » Ce mot, on le retrouve d’ailleurs dans le titre de son album Si on sombre ce sera beau. Un titre qui lui permet de jouer sur les deux acceptions du terme : le naufrage et l’absence de lumière. « Ça évoque de toutes les façons la chute, le fait de se casser la gueule; c’était aussi l’idée de le rendre, dans les deux sens du mot, joli. »
Les mots, Solann sait les ciseler, les utiliser y compris quand elle les choisit violents. « Je me sens comme un agneau Qui dit pardon au loup D’avoir été trop lent à lui offrir son cou », écrit-elle pour ouvrir sa chanson Rome avant de reprendre dans le refrain : « Mais c’est une chienne qui a élevé Rome. Les putes comme moi portent les rêves des hommes. » Cette chanson, c’est aussi son cri. « J’avais vraiment un besoin de l’écrire celle-là, sinon j’aurais gardé enfouies des choses assez douloureuses. Ce n’est jamais bon : ça gangrène, ça pourrit à l’intérieur après. » Elle a choisi pour cette chanson des mots crus, qu’elle assume totalement. « Je n’ai pas besoin d’épargner les gens qui me font souffrir. Ce que je dis, ce n’est rien par rapport à ce qu’on peut subir. » Ce sont pourtant ces mots qui lui ont valu des attaques parfois violentes. Un torrent de haine et près de mille six cents messages de menaces. « C’est arrivé un peu du jour au lendemain, se souvient-elle. Une sorte de vague de personnes qui ont décidé d’exprimer leur mécontentement – pour dire ça joliment – sous forme de menaces, d’insultes… Je n’ai pas trop compris, mais en même temps je sais qu’il y a peu de logique dans la connerie humaine, c’est pour elle une façon de se défouler. »

Solann ne s’est pas laissé déstabiliser, elle a continué son chemin vers ce début de carrière tonitruant qui lui était promis. Une année hallucinante qui a commencé en janvier 2024 avec son premier EP et qui a continué par une Victoire de la musique, un an plus tard. « J’ai du mal à réaliser parce qu’il s’est passé tellement de choses, mais après, je suis très, très heureuse. Il y a tellement d’événements que je n’aurais même pas voulu imaginer, tout ça parce que ça me paraissait trop ! Trop grand, trop gros… » Le trophée n’est pas encore arrivé jusque sur la cheminée de sa grand-mère, comme elle l’avait promis. Il faut dire qu’elle n’a pas eu vraiment le temps de transporter l’imposant prix jusque-là. La folie de la tournée a repris. « On a enchaîné tellement vite sur la tournée que je n’ai pas eu le temps de me poser pour prendre du recul, sur ce que ça veut dire d’avoir une Victoire et ce que ça pouvait signifier pour moi. » Solann est un peu attendue au tournant, comme la fleur en bouton dont on attend l’éclosion avec impatience. « Il y a un poids, je le ressens, mais je suis très, très bien entourée donc je crois que ça sauve un peu tout. Au-delà de ça, c’est vrai qu’il y a des attentes de gens qui comptent sur moi. Et puis même, il y a un public qui m’attend. J’ai une responsabilité, je ne fais plus juste de la musique dans ma chambre. »
